Dans la famille des moelleux et liquoreux français, les Vendanges Tardives sont parmi les vins les plus passionnants. Leur délicieuse singularité provient d’un séjour prolongé des raisins sur souche.
Oubliez les vendanges en tee-shirt sous un soleil radieux de fin août ou début septembre pour les récoltes les plus précoces. Parfois, on ramasse les raisins bien plus couverts, lorsqu’on va cueillir les fruits de la vigne dans les derniers jours d’octobre ou courant novembre. Ces vendanges tardives consistent ainsi à attendre la maturité extrême des raisins – ou surmaturité – qui sont très riches en sucre et permettent d’élaborer de grands vins liquoreux : alors que la vinification des vins secs conduit à la transformation de tous les sucres en alcool par l’action des levures, ces dernières ne parviennent pas à « bouffer » tous les sucres de raisins en surmaturité. Il en reste donc dans le vin !
Alsace, berceau des Vendanges tardives
Dans l’Hexagone, l’Alsace est la région star des vendanges tardives. Cette mention, reconnue par décret ministériel depuis le 1er mars 1984, complète les appellations Alsace ou Alsace Grand cru sur les étiquettes. Pourquoi le grand vignoble de l’est de la France est-il si propice à la pratique de ces vendanges tardives ? Grâce à son climat peu pluvieux et ensoleillé à l’automne, favorable les bonnes années au passerillage des raisins. Le passerillage désigne le dessèchement des raisins sur souche : ces derniers perdent donc leur eau et, logiquement, concentrent leurs sucres. La pourriture noble, liée à la présence d’un champignon appelé botrytis cinerea – qui peut sous certaines conditions climatiques provoquer la très redoutée pourriture grise -, est à l’origine des vins dits Sélection de Grains nobles : les raisins sont vendangés en plusieurs fois et donnent naissance à des vins à la teneur en sucre encore supérieure à celle des Vendanges tardives.
Des vins d’une grande complexité
En Alsace, les vignerons qui pratiquent les vendanges tardives emmènent donc parfois les grappes des cépages les plus nobles, riesling, muscat, pinot gris ou gewurztraminer sur le chemin de la surmaturité. Le raisin doit être impérativement ramassé à la main, le recours à la chaptalisation – l’ajout de sucre du commerce dans les moûts – est évidemment interdit, et les vins issus des vendanges tardives ne peuvent être commercialisés qu’après au moins dix-huit mois d’élevage. Dans la bouteille, les vendanges tardives donnent des vins très riches et opulents, d’une grande ampleur, d’une rare puissance, d’une complexité aromatique incomparable et d’une longueur en bouche étonnante. A noter que quelques autres régions viticoles, dont Jurançon et Gaillac, dans le sud-ouest, ont aussi le droit d’appliquer la mention « vendanges tardives » à leurs vins produits selon les mêmes règles.